Une ferme à partir de rien

La ferme de Grell Wenn, c’est l’histoire d’une création totale, à partir de terres nues, sans eau, sans électricité ni accès carrossable.

Retour sur une aventure hors du commun qui débute en avril 2018 lors de la visite des terres, et qui commence seulement à porter ses fruits au printemps 2023.

Tout au long de cette histoire, on s’est dit qu’un jour il faudrait l’écrire. Sortir un livre pour parler de soit, nous trouvons ça hautement narcissique, alors nous allons vous conter ça ici, sur notre site. Après, si vous voulez nous payer l’équivalent d’un livre de poche pour l’effort et le plaisir de lire, on est pas contre!

2018 – La visite

Lors d’une formation en maraîchage de 3 semaines dans le limousin, à force de chercher des terres (soit en bretagne, notre terre d’origine, soit dans le limousin qui nous avait beaucoup plu), nous sommes tombés sur une annonce pour les terres actuelles de la ferme de Grell Wenn: 27 hectares, au préalable exploités en bio pendant un temps puis laissés en libre service à une dizaine d’ânes grands noirs du berry.

Coup de foudre immédiat pour l’endroit, on ne va pas se le cacher. Entre les chemins creux pour conduire les animaux, les pâtures bocagères avec de grands, beaux et vieux arbres, les 2 ruisseaux et l’étang… Tout ça était vraiment très engageant.

Mais il fallait quand même se rendre à l’évidence: Il n’y avait rien. Tout était à faire, même mandater une extension des réseaux d’eau/électricité/téléphone sur près de 200 mètres. Ouch. Nous avons donc multiplié nos options en visitant d’autres fermes, avec toujours le même triste constat: parcellaire éclaté, habitation & bâtiments isolés (vendus comme résidence par les héritiers, plus comme ferme), terres fatiguées par une exploitation intensive. Ah oui, et prix éxhorbitant!

Retour sur l’option terres nues à Plouray. Nous avons déjà un hangar démonté par nos soins qui attend dans le jardin. Ça devait être un bâtiment type hangar pour véhicules/machines/atelier… Mais ça pourrait devenir une bergerie. On pourra toujours construire un hangar plus tard… Et pour le foin, un tunnel reviendra moins cher.
Pour habiter, on peut toujours acheter un vieux mobil-home et lui faire une toiture, avec peut-être une petite extension pour vivre correctement. Ça ne nous reviendrais pas très cher…

La décision

C’est décidé, ce seront les terres nues de Plouray et on construira tout nous même. Prise de rendez-vous avec l’agence et planification de la visite avec le propriétaire.
Nous avions déjà pris la liberté de venir voir rapidement un soir avant de rentrer chez nous (pour la petite histoire, faire correspondre la vue satellite de l’annonce avec la vue satellite de la région aura été bien long mais amusant), mais la visite guidée a achevé de nous séduire.
Après avoir demandé au propriétaire s’il pourrait attendre que nous montions le dossier pour obtenir les prêts auprès d’une banque, nous prenons un nouveau rendez-vous pour signer la compromis. Allez! C’est fait. On plonge et on n’arrête plus de nager jusqu’à la ligne d’arrivée. Le truc c’est de savoir où se trouve la ligne d’arrivée…

2018-2020 – Le bordel administratif

Il n’y a pas de mot pour vraiment décrire le marasme incommensurable qu’à été de monter un dossier de création de ferme, que ce soit pour obtenir des prêts avec une banque, le soutient de la chambre d’agriculture (que nous n’avons jamais eu…), l’obtention des permis de construire pour les bâtiments agricoles, et pour finir en beauté, une signature retardée à cause de la COVID.
Signature des prêts: 20 Février 2020
Création de l’entreprise: 1 Avril 2020 (ste blague!)
Signature de l’achat des terres: 26 Mai 2020
Pas moins de 3 mois pour en finir avec les formalités administratives, après presque 2 ans de montage de projet. Ah la france… (oui le f majuscule n’est plus de mise depuis longtemps).

2020 – Le début de l’installation

Nous avions pris un peu les devants pour notre arrivée sur les terres, et un mobil-home des années 70 avait déjà été mis en place et partiellement restauré.
Les premières semaines furent sportives: Eau potable au filtre Berkey et pas d’électricité! On rechargeait les outils électro-portatifs dans notre maison d’alors et venions sur le chantier faire ce qu’il était possible de faire dans le temps imparti par les batteries.
Heureusement très rapidement les réseaux d’eau et d’électricité ont été créés et dès le mois de juin, nous pouvions vivre sur place.
Ce n’était pas le grand luxe mais au moins nous n’avions plus à faire 20min de route pour venir et encore 20min pour rentrer.

Fin juin, l’électricité et l’eau sont enfin arrivés. Toujours dans l’attente de la validation du permis de construire, nous en avons profité pour nous familiariser avec le travail des champs en faisant un peu de foin avec notre vieux tracteur, notre vieille presse à petites bottes, et notre TRÈS vieille faneuse/andaineuse.


Fin juillet 2020, après moult corrections, retours de dossiers et autres tracas « normaux » administratifs, le permis de construire est enfin validé et accordé pour la bergerie et la fromagerie. Youpi? Carrément, mais ne nous emballons pas. Comme nous avons deux charmantes voisines parisiennes retraitées imbuvables et procédurières, nous attendrons les deux mois légaux après lesquels aucun recours n’est possible contre notre permis, pour éviter plus de problèmes que nécessaires. Mais comme nous ne sommes pas non plus disposés à ne rien faire, nous profiterons du mois de juillet pour assembler et installer le tunnel à fourrage, parce qu’il ne faut pas déconner non plus.
Avec de l’aide bienvenue de la famille et de nos plus précieux voisins depuis notre premier passage sur les terres (coucous les jeunes!), nous monterons le tunnel sur 2 jours pour ne fatiguer personne.

Fin juillet les brebis arrivent à 5h du matin, après une nuit complète de transport en camion. Elles sont énervées, affamées et malgré le couloir de filets mobiles installé pour les diriger tout droit vers leur première pâture bretonne, tout part en cacahuète. Elles arrachent les filets et se tirent… Chez les voisines qui avaient fait fraichement faucher leurs prairies. Tout ce « presque foin » disponible à volonté, elles n’ont pas résisté et on les comprend.
Après une heure et demie de « lutte », à bout de forces, elles avaient suffisamment mangé pour ne plus être obsédées par la bouffe et se sont laissées guider tranquillement là où elles devaient aller. Sur un fond de levé de soleil et de comète Neowise, tout est bien qui fini bien à 6h30.

Cet été 2020 aura été relativement calme. Bien qu’étant toujours dans les deux mois de recours de permis, nous prenons la décision de faire le terrassement de la bergerie et de couler le béton des plots qui soutiendrons les poteaux. Ensuite c’est le mois d’août et après ces 2 années de bataille, nous prenons une petite semaine de détente car la famille est venue nous voir. Palet breton et apéros sont au rendez-vous, on se détend, ça fait du bien.

En attendant de commencer la bergerie, les deux mois de recours passés, nous attaquons la construction du local pour la cellule à grain qui recevra l’orge bio pour complémenter les brebis lors de la préparation à la lutte, la fin de gestation et durant toute la période de lactation. Une petite dalle de 16m² est coulée, une charpente et une toiture sont vite posées.

Fin septembre 2020, les deux mois sont écoulés. Les enquiquineuses ne se sont pas manifestées (mais ça viendra!), c’est parti pour la bergerie.
Le vieux hangar de 500m² démonté à la main, à deux, entre 2014 et 2015 les weekends et jours fériés, va retrouver une seconde vie et devenir une bergerie de 200m².
Les poteaux seront recoupés de sorte de créer un bâtiment plus bas, plus trapu et, nous dira-t-on plus tard, bien plus sécurisant pour les petits ruminants.

Pendant les 2 mois qui suivirent, toute notre énergie était dans la bergerie. Il fallait au plus vite couvrir et clore le bâtiment, évidemment, mais aussi créer les ouvertures, délimiter la zone du quai de traite (et construire celui-ci), installer des râtelier à foin et des auges/cornadis pour les compléments alimentaires.
Les portes coulissantes en acier seront soudées chez notre voisin et ami tourneur sur bois, dans notre village.
Le 6 Décembre, enfin, les brebis sont invitées à prendre possession de leur nouvelle maison d’hiver. On pouvait sentir leur joie d’être enfin à l’abri, coupées du vent et de la pluie.
Manger tranquillement, se reposer sur un bon lit de paille sèche et attendre paisiblement l’arrivée des agnelages.

Pour finir l’année en « beauté », nous préparons le terrassement de la fromagerie avec un ami équipé d’une mini-pelle. C’est le rush, nous souhaitons pouvoir couler la dalle avant les vacances de noël et il ne reste plus qu’une dizaine de jours pour tout préparer: Terrassement, empierrement, nivelage à la grave venant de la carrière de Plouray, une aubaine d’avoir tout ce granulat à portée de tracteur.

Le 22 Décembre, rendez-vous est pris avec le cimentier le plus proche et 2 toupies viennent comme elles le peuvent déverser le béton avec un bras et un tuyau pour atteindre la dalle se situant à une trentaine de mètres du seul chemin praticable pour les camions.

12 mètres cubes de béton seront coulés et tirés entre 14h et 16h30 à un rythme effréné, pour une dalle d’une surface totale de 120m²:
– 50m² pour le laboratoire de transformation
– 12m² de stockage pour emballages et diverses fournitures
– 18m² de caves d’affinage pour les crottins (2.6m²) et de tommes (15.4m²)
– 40m² de local technique (eau, électricité, machine à laver, sèche linge, étagères de rangement, et surtout le tank à lait de 1700 litres transformé en tank à eau froide que nous feront circuler en circuit fermé dans les caves pour maintenir la température entre 9 et 11°C toute l’année).

Il serait bien resté une étape de construction pour 2020: La mise en place de la charpente destinée à abriter la fromagerie. Montée les 25 et 26 Décembre, la tempête Bella dont nous n’avions pas été informés (déjà car nous n’avons pas la télé, et ensuite parce que nous étions bien trop la tête dans le guidon pour s’occuper des nouvelles du monde extérieur), a tout balayé dans la nuit du 26 au 27.
Devant aller voir de la famille pour un repas le 27, c’est un peu la mort dans l’âme que nous avons pris la route: Les contrats d’assurance n’étaient pas encore signés pour les bâtiments. Ce fut pas une perte financière certes, mais surtout un coup dur pour le moral.

Rendez-vous en 2021…

2021 – L’année de la fromagerie

Bon, le nouvel an c’est pour les autres maintenant. On est vendredi 1er Janvier 2021, 8h30, nous sommes allés chercher du bois de construction un peu avant le réveillon. C’est reparti, on recommence la charpente. Bonne année!

Plus motivés que jamais à en découdre avec le « mauvais sort », la charpente est assemblée et montée dans la journée. 16h30, on apprécie et on se prépare à terminer une des journées les plus courtes de l’année. Prends ça dans ta face, Bella.

Nous ne le savions pas encore mais la fromagerie allait prendre bien plus de temps que prévu ensuite. Dans cet élan fantastique et ce grand succès de refaire la charpente en une journée, nous avions un peu sous-estimé les problèmes à venir…

Mais à ce moment là, on avançait quoi qu’il arrive, aussi vite qu’on le pouvait. Les panneaux sandwich se montent en 2 ou 3 jours, puis les ouvertures pour les portes et fenêtres sont percées. Le 6 janvier, tous les panneaux sont en place et il ne reste plus que 3 fenêtres à installer.

Le 3 Avril, malgré tous nos efforts, nous n’en sommes encore qu’au carrelage, qui commence tout juste. On fera ce qu’on peut en essayant de ne pas croire à une annulation totale de la production pour cette année, mais l’avenir en décidera autrement.

Mi Mai, c’est encore le bordel. Comme nous n’avions pas fait passer le consuel pour le branchement définitif, pensant le faire une fois la fromagerie toute équipée (nous n’avions pas imaginé le faire pour le mobil-home!), les normes et contrôles en vigueur ne nous sont plus aussi familières que celles d’une installation pour maison d’habitation particulière. C’est sous les normes professionnelles que la fromagerie tombe, avec en sus que c’est potentiellement un lieu pouvant accueillir du public (dans la réalité non, mais si nous avons un stagiaire ou un employé un jour… Sic).

Dépassé par l’ampleur des connaissances à avoir et maitriser, nous faisons appel à la cousine, anciennement électricienne avec une solide expérience en électricité industrielle. Ouaip, coup de bol…
Elle restera près d’un mois pour nous « aider » (elle fera tout…). Une installation au top niveau, et un contrôle Bureau Veritas qui est passé comme une lettre à la poste.
Nous aurons appris pas mal de choses qui nous permettrons d’être autonomes sur l’installation en cas de modification ou de réparation.
Dans le même temps, l’habillage de la fromagerie se fait afin de mieux intégrer cette immondice blanc en acier laqué dans le paysage.

Nous sommes en juillet, et maintenant tout espoir de commencer la transformation en 2021 s’évapore. La fromagerie n’est toujours qu’un bâtiment, certes fini, mais sans aucun équipement installé.

En attendant, on refait du foin. Heureusement que nous pouvons compter sur notre shrek national (il s’appelle lui-même ainsi): Lee un voisin anglais.

La mort dans l’âme, nous prenons la décision de nous concentrer sur la fin des travaux. Pour changer un peu « d’air », nous décidons de créer le chemin reliant la voie publique (qui est aussi un chemin non goudronné) au chemin qui mène à la bergerie. Environ 110 mètres à terrasser, empierrer et recouvrir de grave 0/80 pour stabiliser et rendre le tout carrossable. C’est le tonton, ouvrier des TP et grand habitué des engins de chantier qui s’y colle.
En l’espace de 2 weekends consécutifs, le chemin est créé.

De plus, il reste un gros chantier à faire: l’assainissement. Une fromagerie ça consomme de l’eau, et ça rejette des impuretés. Dès le départ nous avions fait le choix d’une phyto-épuration. Les grands bacs préformés attendaient sagement leur heure sur la prairie en face de la fromagerie. Il était temps de les installer.
C’est encore le tonton qui à fait les trous, entre deux coups de pelle lors de la création du chemin. Les bacs sont vites posés et raccordés. Le plus long ce sera de combler de terres autour des bacs, puis de remplir le tout avec les différents granulats de filtration.
Le système se compose de 3 bacs de filtration verticale (les eaux grises s’infiltrent à travers les granulats et les racines des plantes et ressort dans la foulée, sans stagnation):
– 2 bacs utilisés en alternance (1 semaine l’un, 1 semaine l’autre) grâce à un répartiteur (manuel, il ne faut pas oublier de le tourner).
– 1 bac de filtration fine en contrebas.
Ensuite, les eaux épurées (les rejets sont analysés régulièrement et sont conformes) rejoignent l’étang un peu plus bas.

A ce stade, nous sommes à la mi-Août. La saison étant annulée, nous avons un peu de temps pour entamer une chose importante: Couvrir le mobil-home avec une toiture en tôle, et faire une petite extension qui sera isolée. L’hiver dernier quand le feu du poêle s’éteignait dans la nuit, il faisait de façon systématique 3°C de plus que dehors à l’intérieur. Autant dire que certains matins il était assez difficile de s’arracher à la couette…
En une petite semaine, la charpente entièrement posée sur de simples pierres extraites lors du creusement des trous pour les bacs d’assainissement prend forme. Quelques jours plus tard les tôles de toiture sont mises en place, et en septembre nous profitons d’un été indien « grand luxe » avec une sorte d’immense terrasse surélevée et couverte. Nous aurions bien voulu faire plus et rendre l’extension habitable, mais cet hiver encore, nous devrons nous frotter aux matins glacés. Heureusement l’hiver 2021 sera plutôt doux, dans l’ensemble.

Le dernier quart de l’année sera consacré à beaucoup de trajets à droite et à gauche pour rassembler les équipements de fromagerie, le branchement de la plomberie et la mise en route du système de refroidissement des caves d’affinage.
Bien entendu le tout en s’occupant des animaux le matin, le soir, et souvent la journée également: Fonctionnant en filets mobiles, très pratiques pour créer des parcs de petite taille et avoir une bonne gestion des pâtures, il faut déplacer les brebis tous les 2 ou 3 jours maximum. Et il y a 3 lots: Brebis, Agnelles et Béliers.

2022 – La mise en route

Nous avons pris la décision de décaler les mises bas à fin Mars, qui s’étaleront jusqu’à la mi-Avril dans le but de coïncider avec la pousse de l’herbe assez tardive sur notre ferme. Cette décision fut une erreur pour cette année 2022, mais nous ne le savions pas encore à ce moment là.

Les équipements finissent d’être installés, branchés, raccordés dans la fromagerie.

Tout ça prend forme et le labo semble prêt!? Pourtant il y allait encore avoir quelques galères et contretemps.

Divers problèmes mise en route des machines produisant du froid, en particulier le tank à eau servant à refroidir les caves. Plusieurs interventions du technicien furent nécessaires. Le circulateur d’eau utilisé n’était pas assez puissant. Nous en achetons un autre. Quelques semaines plus tard, ce circulateur neuf rend l’âme: c’était de la camelote! 3ème circulateur, ça tient le coup et ça envoi. Il tiendra toute la (courte) saison.

En Mars, chantier mini-pelle! Il faut creuser une tranchée de 300 mètres de long pour acheminer l’eau courante à la bergerie. Cela nous permettra de ne plus aller remplir une tonne à eau pour abreuver les brebis à l’auge pendant l’hiver: nous installerons des abreuvoirs automatiques. Nous ne nous rendrons compte que dans plusieurs mois à quel point ce « petit » changement va positivement impacter notre sérénité, notre énergie et le bien être des brebis. Jusque là, nous remplissions une tonne à eau attelée au tracteur, on en vidait une partie dans une grande auge et ensuite on transvasait tout ça au seau dans les abreuvoirs des brebis. Ce n’était que quelques minutes 2 à 3 fois par jour, mais c’était toujours une chose en plus!

Nous sommes début Avril et les mises bas ont largement commencées. Les brebis et leurs petits s’ébattent sur les prairies, en tout insouciance.

Fin Avril le technicien machines à traire est enfin venu, à rendu son verdict et décidé que nous ferions mieux d’installer un nouveau manomètre « plus précis ». C’est reparti pour le bricolage. Finalement, une fois ce manomètre installé sur la machine à traire, il indique exactement la même chose que celui d’origine. Bref. Encore 3 semaines dans le vent.
Début Mai, c’est le tank à lait qui fait des siennes, impossible de conserver une température précise du lait entre 2 et 3°C. Nouvelle venue du technicien froid à la ferme qui nous installe un nouveau contrôleur de température électronique et une nouvelle sonde. Mais cette fois ce n’était pas en vain, tout fonctionne à merveille maintenant du côté du tank à lait.

Fin mai, les premières analyses de lait reviennent du labo, c’est tout bon on peut démarrer la transformation! YOUPI. ENFIN.

La fromagerie ce fut le plus gros poste de dépenses en temps, énergie et argent comparativement à sa surface. Elle représente à elle seule presque la moitié de tous les investissements faits sur la ferme. Son budget dépassera largement nos prévisions les plus pessimistes.
L’arrivée des hausses de prix de tout le matériel suite à la COVID mettront un sérieux coup au moral. Tout l’argent de notre ancienne maison, qui aurait du nous permettre de voir venir lors de la première année de production, y est passé. Tout.
Un exemple tout bête, lors de la rédaction du prévisionnel, on trouvait en abondance des plonges inox d’occasion en parfait état entre 150 et 250€, ou si on préférait, des plonges neuves tout équipées (robinetterie etc.) entre 500 et 700€. Post COVID, ces mêmes plonges d’occasion nous les avons payées respectivement 450, 600 et 750€… Dans un état pour l’une d’entre elles à peine passable et nécessitant un peu de travail de soudure pour les remettre en état. Gloups.
Le même genre de phénomène s’est produit pour à peu près tout: Visserie, bois, frigos, congélos, tuyaux PVC et PER, carrelage, colle, ciment… Tout à pris au moins 25%, parfois beaucoup plus.
Heureusement pour nous, nous avions déjà acheté les panneaux sandwich et les tôles de toiture avant les augmentations. C’est toujours ça de « pas perdu ».

Fin mai 2022, la fromagerie est prête, rangée, lavée, désinfectée et surtout équipée.

Le mois de Juin sera celui de la mise au point des recettes pour les crèmes glacées, des essais de crottins, tommes et yaourts.
La saison est déjà bien avancée, on commence à paniquer un peu. Mais le temps est au beau fixe, c’est très agréable… Pour le moment.

Début Juillet les essais de fromages sont concluants, mais les yaourts peinent à acidifier dans l’étuve, ça prend trop de temps et ne solidifient pas bien. Le problème vient du système d’air chaud soufflé qui ne chauffe pas suffisamment. Changement de système et nouvelle transformation yaourts: C’est bon! Les yaourts sont parfaits.

Les premières tommes sont en cave depuis 1 semaine et nous n’en pouvons plus d’attendre de goûter l’une d’elles une fois un minimum affinée. Fraiches, c’était déjà pas mal du tout pour qui apprécie la tomme fraiche.

Les recettes de crèmes glacées s’affinent à mesure que nous les goûtons et faisons goûter. Un peu plus de ci, un peu moins de ça. Fin juillet les recettes sont arrêtées. Elles évolueront peut-être par la suite, si besoin. Mais pour le moment, tout le monde se régale.

Mais nous commençons à trouver le beau temps un peu long. Les prairies ne poussent presque plus et bientôt, nous aurons fait un tour complet des parcelles. S’il ne pleut pas et que la température ne baisse pas rapidement, nous n’aurons bientôt plus d’herbe pour les brebis.

Mi-Août

Il fait entre 39 et 42°C à l’ombre, tous les jours. C’est épuisant. Les brebis ne se donnent même plus la peine de manger ni de boire. Après la traite et le retour au pâturage, elles se mettent directement en « chaume » (elles se rassemblent en groupe serré pour garder le frais du sol, et ne bougent plus pendant des heures), mais au lieu de ne faire ça qu’aux heures les plus chaudes de la journée, elles commencent dès le matin et ne s’arrêtent plus jusqu’au soir.
Sans manger ni boire (ou si peu), la production de lait fait une chute vertigineuse.
La famille est revenue nous voir pour une semaine, et nous file un sacré coup de main pour nous décharger un peu du travail et de la pression constante.

Troisième semaine d’Août

Toutes les parcelles qui étaient encore un peu vertes sont cramées. Nous décidons de conduire le troupeau dans la seule parcelle encore verte, très en contrebas des terres ou coule un ruisseau, un endroit très encaissé, peu ensoleillé. Nous arriverons à tenir 2 semaines de plus avec cette parcelle.

Début Septembre

Normalement nous devrions avoir encore 2 mois de production, mais la sécheresse aura eu raison de notre première saison. Nous ne pouvons plus demander au brebis de fournir du lait alors qu’elles ne mangent ni ne boivent assez, au risque de les épuiser. Nous prenons la décision de les tarir et d’arrêter la transformation pour cette année. 3 petits mois de production. La faute à nous, d’avoir décalé les mises bas, la faute aux autres, d’avoir pris leur temps en début de saison, la faute à pas de chance de s’être mangé de plein fouet la plus grande sécheresse depuis des décennies, pour notre première année…

Fin 2022 – La résolution

Puisque nous avons fait une année de démarrage non seulement pourrie, mais 1 an plus tard que prévu, nous devons serrer les fesses jusqu’en 2023.

Il reste plein de choses à faire, à finir, à améliorer sur la ferme. A commencer par l’extension du mobil home, qui sera enfin isolée, bardée et lambrissée courant octobre.
L’extension du mobil-home, qui n’est pas 100% finie, est quand même vivable. Le petit poêle à bois de chez Glastonburry Burners (vivement recommendés!) est en place. La chambre est prête et nous allons enfin pouvoir dormir dans une pièce saine, sèche et chauffée.

Un bon coup de main financier de la famille nous permet d’envisager de passer l’hiver.

Nous finissons un chantier commencé le printemps précédent: Une bergerie annexe pour accueillir les agnelles et les béliers afin de libérer de l’espace pour les brebis et leur futurs agneaux. Il restera un peu d’espace dans ce bâtiment modeste pour mettre une boule de foin et de paille, un peu de bois à l’abri de la pluie et une infirmerie bien à l’écart du troupeau.

Dans le courant de l’hiver nous nous occuperons essentiellement d’améliorer l’existant, et de bien préparer la nouvelle saison qui s’annonce.

Nous ne savons pas trop ce que 2023 nous réserve, nous aimons penser qu’on ne peut pas faire pire en termes d’imprévus calamiteux. On reste optimistes.

2023 – Branlebas de combat

L’année commence à peine et, fait rare, il fait froid pendant de longs jours. Il neige même, et ça tiendra plusieurs jours. Incroyable. Mais tellement beau!

Comme nous n’aimons pas plus que ça rester sans rien faire, on améliore!

Installation de portails coulissants au sas de la fromagerie, ainsi qu’à la pièce de stockage des emballages. On déplace aussi la plonge qui sert à laver la machine à traire, encore un peu de plomberie.

Mai 2023

Tout est à nouveau prêt, un peu en retard. C’est la saison de la dernière chance…

Alors si vous voulez nous aider, c’est le moment! Mangez du fromage de brebis de Plouray, plein! Et des glaces… Et des yaourts…

A très vite sur les marchés…